2.2. Les concepts du logiciel libre

Une fois les définitions établies, il est important de s'attarder sur les idées véhiculées par le mouvement du logiciel libre. De même qu'il est important d'évacuer un certain nombre d'idées fausses colportées sur ces logiciels. Cette section donne ensuite un argumentaire varié en faveur de l'introduction des logiciels libres et conclut sur des problèmes réels restant à surmonter.

2.2.1. La philosophie du logiciel libre

En fait la philosophie véhiculée par le mouvement du logiciel libre n'est guère différente de celle proposée par tout le mouvement scientifique depuis de nombreuses années : la mise en commun des idées et du savoir collectif pour permettre la progression de la recherche et l'augmentation de ce savoir. La connaissance du génome humain est l'un de ces exemples de travail collaboratif.

Le milieu informatique, et particulièrement celui du logiciel, semble s'être détourné depuis près de 20 ans de ces préceptes de base du monde scientifique. Il privilégie au contraire la captation du client au détriment de la fourniture des informations qui lui permettraient d'exploiter au mieux son environnement informatique. C'est du reste à la suite d'un tel problème, au début des années 80, que Richard Stallman, alors chercheur en intelligence artificielle au MIT, a décidé de fonder le projet GNU. Ce projet est le fondement du mouvement du logiciel libre actuel.

Les idées principales soutenues par ce mouvement et énoncées par Richard Stallman lui-même sont :

Au delà de l'aspect utopique de ces idées se trouvent d'autres raisons qui ont permis aux logiciels libres de se répandre si largement aujourd'hui. Elles sont détaillées dans Section 2.2.2.

Le mouvement du logiciel libre se concrétise aussi au travers d'une communauté de personnes. Réunion informelle de personnalités, cette communauté est hétérogène dans sa composition, ses actions, ses idées, même si tous partagent la même croyance dans la liberté du logiciel. Cette communauté s'est forgé les outils nécessaires à sa communication que sont l'Internet et Usenet. Et ces outils de communications utilisent bien évidemment force logiciels libres pour fonctionner. Parmi les personnages marquants du mouvement, on peut citer :

Toutes ces personnalités sont avant tout d'excellents informaticiens, ce qui leur permet d'être reconnus comme des acteurs majeurs du mouvement du logiciel libre. Leurs qualités humaines et communicatives sont également des caractéristiques fortes de leur tempérament. En aucun cas, ils ne sont considérés pour leur pouvoir, mais au contraire pour leur savoir.

Bien évidemment, la communauté du logiciel libre est constituée de milliers de programmeurs, dont il serait fastidieux d'énumérer la liste. Tous ont en commun la volonté de produire une oeuvre utile, libre, et d'être reconnus pour leurs qualités techniques avant tout.

2.2.2. Le choix du logiciel libre

Utiliser des logiciels libres pour apporter des solutions informatiques relève du choix. Tout d'abord, cela favorise la pluralité de solutions, notamment dans un milieu micro-informatique à tendance monopolistique. Ensuite, le choix porte, car cela est finalement le plus essentiel, sur les qualités intrinsèques du logiciel libre, qui sont détaillées juste après.

L'accès aux sources

Ce point est l'élément primordial du choix, puisqu'il permet la compréhension, l'adaptation, la correction, la diffusion, la fiabilisation du logiciel. De plus, cela contribue à diminuer énormément la possibilité de véhiculer des virus.

La fiabilité

Cette qualité résulte de la précédente: le logiciel libre est le résultat cumulé de l'expérience et de l'intelligence de tous les intervenants. Sa fiabilité augmente donc avec le temps, au fur et à mesure des corrections qui sont effectuées. De plus aucune pression marketing n'oblige le producteur du logiciel à le livrer à ses clients avant qu'il ne soit dans un état jugé satisfaisant.

La portabilité

Cette qualité n'est pas propre au logiciel libre, mais est très souvent présente dans un logiciel libre. En effet, si ce logiciel connaît du succès, il sera obligatoirement adapté à d'autres environnements que ceux initialement prévus. Ainsi, en augmentant sa disponibilité, on améliore sa portabilité et sa fiabilité également. Linux fonctionne aujourd'hui sur un Jornada HP ou une montre IBM, aussi bien que sur un s390 ou un SuperDome.

L'universalité

Une qualité essentielle des logiciels libres est le caractère par nature universel des formats de données utilisés. Même s'ils ne suivent pas les standards, la disponibilité du code source assure à l'utilisateur la compréhension de ceux-ci, et surtout la possibilité d'écrire tout filtre nécessaire à leur récupération, ou leur échange avec d'autres logiciels. Ceci permet également aux utilisateurs de stabiliser leur environnement puisqu'ils ne sont plus obligés de migrer en cas d'incompatibilité de formats de données dans leurs applicatifs. N'oubliez pas que vos données sont précieuses et qu'il vaut mieux les confier à un format *ML (HTML, XML, SGML, ...) plutôt que propriétaire.

La performance

Résultant de nombreux examens, de l'utilisation d'algorithmes issus des travaux de recherche les plus avancés, aussi bien qu'éprouvés par de nombreux modes d'utilisation, les logiciels libres sont performants par nature. Souvent des réécritures importantes de codes sont effectuées pour permettre la réutilisation d'idées avec un code meilleur et donc augmenter la performance. De nombreux tests effectués par divers organismes tendent à le prouver également

Tableau 2-1. Les performances des logiciels libres

SujetURL
Serveur Web Apache face à ses concurrentshttp://www5.zdnet.com/products/content/pcmg/1709/305867.html
Serveur SMB SaMBa face à Windows NThttp://www.zdnet.com/sr/stories/news/0,4538,2196106,00.html

De plus, encore une fois, rien n'oblige à délivrer une application dont les performances seraient déplorables.

L'interopérabilité

L'interopérability est une réalité de l'entreprise d'ajourd'hui. Historiquement, le milieu Unix a toujours été un ferment d'interopérabilité avec les autres systèmes (grands ou moyens systèmes, aussi bien que micro-informatique). La prise en charge au sein de Linux, par exemple, de nombreux protocoles réseaux, de nombreux formats de systèmes de fichiers, voire de modes de compatibilité binaire garantit cette bonne interopérabilité. D'un autre côté, l'interopérabilité demande 2 acteurs, et n'en avoir qu'un ouvert n'est généralement pas suffisant. C'est le rôle des RFCs, normes, standards, ...

La réactivité

Face aux cycles de développement de plus en plus longs des éditeurs de logiciels, la réactivité du milieu du logiciel libre intéressera nombre de sites, soucieux d'obtenir rapidement une correction à un problème donné. Ainsi, lors des récentes découvertes de dénis de services IP, les correctifs ont été disponibles dans tous les cas en moins de 3 jours. Et n'était fourni que le correctif fermant le trou de sécurité constaté. Il n'y avait pas d'autres ajouts fonctionnels qui auraient pu créer de nouvelles instabilités.

La sécurité

La meilleure sécurité informatique possible est assurée par une construction robuste, des algorithmes publics et éprouvés, une circulation rapide de l'information sur les failles, ... Autrement dit par la transparence. L'obscurité est dans ce domaine, néfaste, inutile voire dangereuse. Dans le monde du logiciel libre, la réactivité énoncée au paragraphe précédent est garante d'une sécurité acrue, ... sous réserve d'appliquer les rustines correctives régulièrement.

Indépendamment de ses qualités, on peut avancer d'autres argumentaires de natures diverses, en faveur du logiciel libre, suivant le type d'interlocuteur rencontré. Ces différents argumentaires sont détaillés ci-après.

2.2.2.1. Argumentaire Marketing

Des études du cabinet IDC mettent en lumière l'irrésistible montée de Linux comme système d'exploitation serveur. En 1998, Linux est ainsi crédité de 17% de part de marché, avec une progression de 212%, qui est la plus importante sur ce secteur. Les graphes suivant donnent l'ensemble des parts de marché.

Figure 2-1. Répartition des systèmes d'exploitation serveur en 1998 (IDC).

Ceci s'est confirmé en 1999 avec une part de marché passant à 24% et une progression de 93%, toujours plus de quatre fois la progression de son suivant.

Figure 2-2. Répartition des systèmes d'exploitation serveur en 1999 (IDC).

ZDnet rapporte que Dataquest estime pour sa part que les serveurs Linux représenteront, avec 1,1 million d'unités, 14% des serveurs vendus en 2003.

Le réseau lui-même produit des outils marketing pour démontrer la supériorité des logiciels libres. Des indices sont mis à jour régulièrement par Netcraft and others, ainsi que d'autres sur les logiciels serveur Web, et un autre était fourni par l' IOS Counter pour les serveurs sur l'Internet. Les résultats, reproduits ci-dessous, montrent l'importance prise par Apache avec plus de 16 millions de sites opérationnels (dont environ 30% sous Linux), écrasant la concurrence, de même que les systèmes libres Linux et *BSD dominent le monde des serveurs de l'Internet.

Figure 2-3. Logiciels serveur Web selon Netcraft entre 1995 et 2001.

Figure 2-4. Répartition des serveurs Internet selon l'IOS Counter en Avril 1999.

Un argumentaire basé sur des résultats chiffrés les plus précis possibles est également régulièrement mis à jour montrant les avantages à utiliser des logiciels libres, Cf: http://www.dwheeler.com/oss_fs_why.html.

2.2.2.2. Argumentaire Financier

Les arguments économiques plaident également en faveur des logiciels libres. Ainsi tout d'abord le coût d'acquisition est modique. Modique car il n'est jamais nul. En effet, même si on peut se le procurer via l'Internet, encore faut-il comptabiliser les coûts afférents à cette liaison. Quoiqu'il en soit, les coûts sont fortement inférieurs à ceux des logiciels commerciaux. Ainsi, une distribution RedHat Linux 7.2 livrée avec plus de 1400 paquetages logiciels coûte environ 300 FRF, alors qu'il faut compter plus de 4000 FRF pour obtenir un Windows 2000 serveur, livré avec le seul IIS.

D'autre part, ne disposant pas de notion de licence par utilisateur ou par service supplémentaires, il n'y a pas non plus de surcoût lors de la montée en puissance de ces logiciels au sein de l'entité où ils sont utilisés. Ce qui n'est évidemment pas le cas avec les logiciels commerciaux dont la logique économique est souvent basée sur le nombre de licences.

Les logiciels libres apportent de plus une parfaite maîtrise du Coût Total de Possession, si fréquemment évoqué depuis les déploiements massifs de micro-ordinateurs. Ainsi les coûts d'administration sont restreints puisque des systèmes comme Linux ou FreeBSD, à l'instar d'Unix, s'administrent complètement à distance, soit en mode ligne de commande (avec telnet ou ssh) ou en mode graphique en utilisant X-Window. De plus, on bénéficie d'un mode multi-utilisateurs réel facilitant ces opérations d'administration. Dans ce domaine toujours, il est aussi possible d'effectuer de la télé-administration, soit par les capacités propres des matériels (comme les HP NetServers avec carte Remote Assistant), soit en effectuant une connexion à distance (via modem, boîtier RNIS ou liaison spécialisée) grâce aux protocoles natifs PPP et des systèmes de sécurité tels le tunneling ou ssh. Cette administration peut être elle-même confiée en info-gérance à un prestataire externe.

Enfin, les coûts liés au matériel, lui-même, peuvent être contrôlés ; d'une part, si par hasard, les logiciels libres ne faisaient pas affaire, il est toujours possible d'acheter alors des solutions logicielles commerciales pour remplir les besoins non couverts, sur le même matériel. D'autre part, les solutions à base de logiciels libres, étant par nature très performantes, s'accommodent de plates-formes matérielles qui seraient jugées obsolètes selon les critères d'autres systèmes d'exploitation ou d'applications. Le fait de séparer l'interface graphique du reste du fonctionnement du système est à ce titre déterminant. Il est ainsi possible d'utiliser du "vieux" matériel, notamment pour maquetter. On pourra ensuite investir, en connaissance de cause, lors du passage en opérationnel de la solution, si besoin est. La croissance en puissance peut, du reste, s'effectuer progressivement.

2.2.2.3. Argumentaire Technique

Cet argumentaire a déjà été abondamment abordé dans les sections précédentes. Je pense néanmoins que certaines notions peuvent donner lieu à des éclairages complémentaires.

Ainsi concernant l'aspect fiabilité des solutions à base de logiciel libre, il est important de noter que cela signifie un temps de fonctionnement opérationnel très élevé (propre aux systèmes Unix d'une manière générale). Ceci se mesure par l'intermédiaire de la commande uptime. L'un des clients de Medasys et HP, l'Hôpital Saint-Michel de Paris, dispose ainsi d'un Vectra VL5 fonctionnant comme routeur sous Linux depuis plus de 300 jours. Et ce n'est pas un cas isolé.

Le respect des standards et des normes, ainsi que l'extrême portabilité générale des logiciels libres assurent aussi pour les applications développées sur ces plates-formes, les mêmes qualités. Et notamment, s'il s'avérait que les performances ou les services apportés par des architectures à base de logiciels libres soient insuffisants (cela peut être dû à des problèmes d'architecture comme l bande passane du bus PCI, ou le nombre de processeurs disponibles), il serait facile de migrer vers des machines offrant plus de performances et de capacités d'évolution, tels que les systèmes HP 9000, tournant sous HP-UX.

Enfin une orientation de développement axée vers les performances induit une modularité telle qu'elle permet de retailler le noyau du système au plus près des capacités du matériel, ou l'utilisation de modules chargés dynamiquement en mémoire selon les besoins. Une installation de paquetages peut aller de 40 Mo pour un système minimal à plusieurs Go pour une distribution complète. La linéarité du système permet également la prise en charge de machines multi-processeurs (testé jusqu'à 32 processeurs avec une machine Sparc). La modularité du système permet également d'obtenir un système opérationnel sur une seule disquette 1,44 Mo, soit pour réaliser un environnement minimal de dépannage, soit pour faire un routeur parfaitement opérationnel. Le monde de l'embarqué s'intéresse du reste de plus en plus aux capacités des systèmes tels que Linux, puisqu'outre sa modularité, la disponibilité des sources rend plus aiséé la communication avec des périphériques dédiés (cartes d'acquisition, sondes, ...). Des grands comptes comme le CERN ou Thomson utilisent déjà de tels systèmes.

2.2.2.4. Argumentaire Solutions

Cet argumentaire est certainement le plus important de tous, car il ne sert à rien d'avoir du logiciel libre, si ce n'est pour faire quelque chose d'utile avec ou pour apporter des solutions aux demandes des entités amenées à l'utiliser. Dans quels secteurs le logiciel libre peut-il donc apporter des solutions aujourd'hui ? Eh bien force est de constater que c'est dans la quasi-totalité des secteurs de l'informatique d'entreprise.

Historiquement, les logiciels libres ont été utilisés pour réaliser des serveurs Internet/Intranet, puisque leur genèse a été concomitante à celle du réseau. On couvre ainsi tous les aspects liés à l'Internet, depuis le serveur Web ( Apache ), FTP (Wu-Ftpd), DNS (Bind), celui de courrier électronique (Sendmail ou PostFix ), de forums Usenet (INN), de mandataire (IPmasqadm), de pare-feu (IPChains ou IPTables), de réseau privé virtuel (OpenSSH), de cache Web ( Squid ) ou encore de serveur de temps (NTP) ou de serveur d'annuaire(LDAP) , ou de serveur de contenu(Midgard) ... Tous ces logiciels sont fournis en standard dans une distribution Linux. Le client doit être doté du logiciel correspondant à l'application utilisée (lecteur de courrier électronique, lecteur de forum Usenet, navigateur Internet...) quel que soit son système d'exploitation. Le choix du logiciel client est libre, vu que tous ces outils respectent les standards édictés dans les RFCs.

Le second domaine de prédilection du logiciel libre est le domaine des serveurs de fichiers et d'impression. Pour ces services, les clients peuvent être multiples : de type Unix (Utilisation de NFS et KNFS ou encore Coda et Inter-Mezzo, pour le service de fichiers et de lpd ou CUPS pour le service d'impression), de type Microsoft Windows (Utilisation de SaMBa , qui permet aussi l'utilisation d'imprimantes locales au client), de type Novell (Utilisation de Mars_nwe) ou de type MacIntosh (Utilisation de NetAtalk). Tous ces logiciels sont fournis en standard dans une distribution Linux et ne nécessitent aucun ajout au niveau du client pour fonctionner.

Les autres domaines où un système comme Linux peut apporter des solutions sont ceux du calcul, avec des fonctions de multiprocesseur, en liaison avec l'assemblage de nombreux noeuds de calcul avec Mosix ou BeoWulf avec des interfaces réseau rapide (100 Mbit/s, Gigabit ou Myrinet); ceux de la sécurité des données avec prise en charge des cartes HP NetRaidRem. permettant des niveaux de Raid 0, 1, 3, 5, 10, 50, et disque HotSpare, gérés par le matériel ; ceux du service de fax centralisé, avec un logiciel libre comme HylaFAX ou encore comme serveur de sauvegarde sur robot de DAT ou DLT HP SureStore à l'aide d'un logiciel libre tel que Amanda ou commercial tel que Arkeia ou enfin comme serveur de bases de données avec des solutions libres comme PostgreSQL,MySQL ou commerciales comme Oracle, pour n'en citer que trois.

Côté client, bien que cela soit moins mis en valeur pour le moment, les possibilités d'utiliser des solutions basées sur du logiciel libre ou commercial sont nombreuses. Là encore, la partie Internet se taille la part du lion, avec des outils comme des navigateurs Internet graphiques (Netscape, Mozilla ou Konqueror) ou textuel (lynx ou w3m), de nombreux lecteurs de courriers électroniques graphiques (Kmail, XFMail, ...) ou textuels (mutt, elm, ...). Mais il existe également toute une panoplie d'outils nécessaires aujourd'hui à un poste de travail tels que des lecteurs de format PDF (Acrobat Reader ou xpdf), des outils de traitement d'images (ImageMagick, the Gimp, Outils RealPlayer ...), des outils de traitement de texte (LyX, LaTeX, SGMLTools, Wordperfect, ...), des suites bureautiques commerciales (ApplixWare, StarOffice), ou libres (Koffice, OpenOffice, ...), des outils de gestion du son (Xmms, eplaymidi, xmcd, ...), des outils de gravage de CDs (cdrecord, BurnIT, ... avec des compléments tels que mkisofs, cdparanoia, cdrdao), des émulateurs divers libres et commerciaux (Wine, Executor, WABI, DOSEmu,Win4Lin, VmWare...), des compilateurs et interpréteurs pour tous langages (C, C++, Pascal, Fortran, Basic, Tcl/Tk, Perl, Python, Ada, Eiffel, Lisp, Scheme, Prolog...), y compris des versions commerciales ( PGI, Intel...), des environnements graphiques (Gnome, KDE, Motif, OpenMotif, ...). L'évolution de ces derniers laisse à penser que les années 2000 pourraient être celles où Linux et les logiciels libres vont percer à leur tour, sur le poste client.

Je tiens à signaler que ce document a été réalisé sur une machine HP Brio BAx, puis un Vectra VL400 ne disposant que d'une distribution Linux, à l'aide des outils DSSSL style sheet, OpenJade et DocBook, ViM qui ont permis à partir d'un seul source de générer les formats HTML, Txt, RTF, PostScript, et PDF.

2.2.2.5. Argumentaire Service

Ce point a longtemps constitué un frein à l'essor des logiciels libres dans les entreprises. Il n'est aujourd'hui plus de mise. En effet, de nombreuses sociétés de services et des constructeurs, comme HP, maîtrisent aujourd'hui ces solutions et offrent du support autour d'elles, jusqu'au niveau ultime (mission critical), sur demande.

D'autres sources d'informations sont également disponibles, en abondance, au travers des nombreux sites Web consacrés à ces solutions, aux listes de discussion spécialisées, ainsi qu'aux divers forums de discussion Usenet, tels que, pour Linux, les groupes internationaux sous la hiérarchie comp.os.linux.* ou les francophones sous la hiérarchie fr.comp.os.linux.*.

Côté compétences, de plus en plus de jeunes ingénieurs ou d'universitaires sortent de leur cycle de formation en ayant été formés à l'utilisation des logiciels et systèmes libres. Ce vivier de compétences arrive en ce moment sur le marché du travail et contribuera à amplifier le mouvement de généralisation de ces outils. Enfin, nombre d'entreprises disposent en interne de compétences ignorées. En effet, leur personnel installe souvent ces logiciels chez eux, et en ont une bonne maîtrise, utilisable lors du déploiement de ces logiciels dans leur structure professionnelle.

2.2.3. Idées fausses sur le logiciel libre

Se faire l'avocat des logiciels libres consiste également à relever certaines idées reçues à leur sujet et à les combattre. Parmi celles-ci, les plus souvent évoquées sont :

"Il n'y a pas de support, ni de formation"

On a vu précédemment que le support était en train de se structurer. Une société comme RedHat fournit aujourd'hui du support sur ses solutions. Rien qu'en France on peut citer des sociétés comme Medasys , Atrid, Alcove qui assurent un support autour des logiciels libres. De même, toujours pour la France, des formations aux logiciels libres peuvent être dispensées par HP France, Learning Tree, l'IUT de Vélizy, sans compter les formations génériques Unix et réseau (que les mêmes organismes proposent également du reste) qui constituent une base essentielle dans un parcours de formation. Enfin, il ne faut pas négliger la capacité de chacun à s'autoformer, grâce notamment à l'abondante documentation disponible (Voir le Chapitre 7).

"Il n'y a pas de documentation"

Il existe tout un ensemble de manuels, le Linux Documentation Project, constitué de FAQ (Foire Aux Questions) et HOWTO (Guide Comment Faire), au total plus de 300 documents autour de Linux, dont l'essentiel traduit en français, et en japonais disponibles sous forme de documentation libre. Cette documentation est de qualité diverse, et plus ou moins à jour suivant les sujets, certes, mais elle constitue un corpus permettant d'appréhender seul une distribution Linux et l'ensemble de ses composants. À titre personnel, j'y ai toujours trouvé tout ce qu'il me fallait pour effectuer mon travail avec des logiciels libres. Et en cas de besoin complémentaire, une fois encore de nombreux sites Web et groupes de discussion apportent les quelques éléments supplémentaires. Sans compter les innombrables pages de manuel disponibles en ligne également. Chaque distribution vient également avec un ensemble complet de manuels couvrant toutes les tâches pour les installer, gérer et administrer.

D'autre part, les sociétés d'éditions O'Reilly et SSC se sont spécialisées dans la fourniture d'ouvrages autour des logiciels libres, rédigés en général par les auteurs des logiciels en question. Leurs ouvrages sont considérés comme faisant référence dans leurs domaines respectifs.

"Un produit gratuit ou presque est une sorte de jouet"

Il faut toujours faire la différence entre libre et gratuit. De trop nombreux outils gratuits en environnement Microsoft sont effectivement des jouets et de piètre qualité. Ce n'est en rien le cas des logiciels libres, comme démontré dans les sections précédentes. Rappelons qu'ils sont au contraire fiables par construction.

"Linux est difficile à installer"

Linux est un système d'exploitation professionnel. À ce titre, il demande de la compétence pour son installation, de même qu'un autre système professionnel, comme les autres Unix ou Windows NT par exemple. Mais il n'est pas plus difficile à installer que ceux-ci non plus, notamment avec des distributions telles que RedHat, Mandrake, ... Il faut compter environ 30 minutes pour réaliser une installation complète de ces dernières, soit semblablement la même chose que pour HP-UX et sensiblement moins que pour Windows NT Serveur.

En revanche, tout comme avant d'installer un serveur sous Windows NT il faut vérifier sa compatibilité avec la Hardware Compatibility List de Microsoft, pour Linux, il est fortement conseillé de vérifier le Guide des matériels (Hardware HOWTO), et pour les machines HP de se reporter à Section 3.2.

"Les logiciels libres ne sont pas adaptés pour des tâches lourdes"

Ceci est de moins en moins vrai, et cette critique a été rendue caduque avec les dernières versions de noyaux Linux qui prévoient un système de fichiers journalisé, autorisant un véritable Cluster d'applications. Mais d'ores et déjà Linux autorise l'utilisation de multi-processeurs, de nombreux noeuds pour réaliser des clusters de calcul. Il ne faut pas oublier qu'il est utilisé par le portail Voila (France Telecom) ou le moteur Google entre autres prestigieuses références. De même, FreeBSD est utilisé avec succès comme système sur le plus gros serveur ftp au monde : Walnut Creek CDROM server Des projets utiles dans ce domaine de haute disponibilité à consulter sont http://www.linux-vs.org, http://www.opengfs.org et http://www.linux-ha.org

"Quel recours ai-je en cas de problème vis-à-vis des éditeurs ?"

Il n'y a pas de recours, car les licences des logiciels dégagent les auteurs de toute responsabilité, en cas de problème. Néanmoins, dans les faits les développeurs sont toujours prêts à aider en cas de soucis et tentent de corriger le plus vite possible les anomalies rencontrées (lors du bug F00F du Pentium, un patch pour Linux a été publié dans les 3 jours par exemple). D'un autre côté, les éditeurs commerciaux garantissent très mal les utilisateurs contre des problèmes autres qu'une erreur de paquetage. Reportez-vous aux notices fournies avec vos logiciels pour en juger.

2.2.4. Les vrais problèmes autour du logiciel libre

Il ne serait pas honnête de nier un certain nombre de problèmes résiduels liés aux logiciels libres. Certains sont en voie de résolution, d'autres sont inhérents au système, d'autres enfin mettront du temps à disparaître.

Le premier problème, inhérent au modèle du logiciel libre, est la multiplicité des outils et des distributions disponibles. Ainsi, si vous voulez mettre en oeuvre un serveur de courrier électronique, il faudra choisir entre Sendmail, Exim, PostFix, Qmail, Smail. De même que pour installer Linux vous avez la possibilité d'utiliser une distribution RedHat , SuSE, Slackware, Mandrake, Turbo Linux, Debian. Ceci est souvent un problème pour le néophyte, mais l'utilisateur confirmé préférera toujours disposer d'un large choix qu'il confrontera à ses exigences et à son expérience. Tant qu'un acteur respecte les règles du jeu en libérant son code (cas des formats rpm et deb par exemple), il n'y a pas de risque du point de vue de la communauté. Le point clé est que le choix s'effectue uniquement en fonction de critères techniques.

Le second problème, inhérent lui aussi à la genèse des logiciels libres, est la nécessité d'avoir des compétences Unix et Internet fortes, pour administrer de telles solutions. La puissance disponible par ces systèmes est proportionnelle à la compétence de leurs administrateurs. Et cela restera vrai malgré l'émergence de solutions de plus en plus graphiques de gestion des systèmes. D'un autre côté, l'investissement en temps passé à apprendre leur fonctionnement se cumule et ne s'annule pas, car vous ne devez pas tout réapprendre pour passer d'une version à l'autre (j'utilise le même éditeur, vi, depuis ces 15 dernières années). N'oubliez pas que les systèmes que vous manoeuvrez couramment vous semblent simples, uniquement parce que vous avez passé le temps nécessaire à les apprendre. Quant aux compétences Internet, c'est une lapalissade de dire que cet investissement n'est pas perdu. Enfin, malgré le travail des traducteurs pour fournir des informations en français, une bonne connaissance de l'anglais technique est un plus indéniable.

Le dernier problème rencontré dans la mise en oeuvre de solutions autour de logiciels libres est d'arriver à convaincre une partie des décideurs de déroger au mode de pensée dominant. Le but de cette partie est justement de donner tout un faisceau d'arguments pour y parvenir, mais il faut à chaque fois faire preuve de conviction pour arriver à ses fins. Au fur et à mesure de l'adoption de ces solutions par de grands groupes notamment, les résistances deviendront moindres.